Papa Roach fait partie de ces groupes controversés, essentiellement
par sa qualité de groupe dit « commercial ». Le mot est lâché.
« Commercial », qualificatif décrédibilisant, pour beaucoup antonyme
d’intégrité, qui plus est injure suprême dans les sphères de
l’underground. Comme si produire une musique aux mélodies évidentes, aux
rythmes entraînants et plaisant à une majorité était intrinsèquement
signe de mauvais goût.
Mais Papa Roach, lui s’en fout. Le groupe continue son petit bonhomme
de chemin en faisant bien ce qu’il a envie. En un peu plus de dix ans,
la bande de cafards est passée d’un neo metal qui ne manquait pas de
tubes à un Hard US à tendances glam grâce à un Metamorphosis plein de
qualités. Le combo pense même déjà à son futur comme nous l’apprend le
guitariste et fondateur du groupe Jerry Horton (aucun lien de parenté
avec l’éléphant qui croit qu’une poussière lui parle) : « Il est
possible que nous ajoutions un peu plus d’éléments électroniques. Nous
allons nous concentrer sur l’aspect groovy et essayer de mélanger un peu
tout ça ». Le pire dans tout ça, c’est que malgré cette
perpétuelle métamorphose, le groupe ne cesse de gagner du terrain dans
l’appréciation du public. Comme ceux qui n’étaient pas forcément
convaincu par leur neo metal mais qui ont été charmés par leur récent
virage artistique, tout autant que par leurs prestations scéniques
remarquables.
Il était d’ailleurs temps qu’une de ces dernières soit immortalisée
sur disque. C’est chose faite, en partie, avec le dernier rejeton Time
For Annihilation, hybride studio/live.
Jerry Horton nous en dit justement un peu plus sur ce sujet comme sur bien d’autres.
« Nous vivons à une époque où le mystère n’est pas aussi important que le contact avec les fans. »
Radio Metal : Papa Roach vient de sortir Time For
Annihilation, un album composé pour moitié de nouveaux titres, le reste
correspondant à des chansons live. Cependant, j’ai entendu dire que vous
aviez à l’origine prévu un album live complet. Pourquoi le disque
est-il finalement sorti dans cette configuration ?
Jerry Horton (guitare) : Nous voulions sortir un
album live depuis un petit moment, mais nous savions aussi que le public
attendait de nouvelles chansons. Au début, nous avions décidé de
n’écrire qu’une ou deux nouvelles chansons, puis nous avons pensé : « Autant en faire cinq et sortir un EP ».
C’est de là que tout est parti : nous ne voulions pas seulement sortir
un album live, nous voulions aussi offrir au public de la nouveauté.
Vous n’aviez pas suffisamment de chansons pour sortir un nouvel album studio ?
Nous ne voulions pas prendre le temps nécessaire pour écrire un album
complet. Nous voulions faire ça rapidement mais nous voulions aussi
proposer cinq chansons aussi bonnes que possible.
Était-il vraiment nécessaire de sortir un nouveau produit à
l’heure actuelle ? Pourquoi ne pas avoir attendu un peu pour pouvoir
sortir un album studio complet ?
Notre contrat avec Interscope et Universal s’est terminé et nous
pensions que le moment était idéal pour sortir un album live. À la base,
c’était ce que nous étions censés faire. L’idée des nouvelles chansons
est venue après : nous nous sommes dit que nous ferions aussi bien de
proposer quelque chose de nouveau. Nous ne voulions investir ni l’argent
ni le temps nécessaire à la conception d’un album complet.
Le groupe a une excellente réputation sur scène. Penses-tu
que seul un demi-album live rende justice à vos performances ? Surtout
dans la mesure où il s’agit d’un premier album live…
Je pense effectivement que cet album leur rend justice. Nous voulions
donner à nos fans la possibilité de vivre cette expérience, ou au moins
une partie, sur CD. En ce qui concerne le nouveau matériel, au cours de
notre carrière, nous n’avons jamais joué l’intégralité d’un album sur
scène. Nous nous contentions de sélectionner quelques chansons et de les
mélanger à d’autres. C’est la première fois que nous pourrons
interpréter toutes les nouvelles chansons au cours d’un set. Nous
faisons ça depuis maintenant trois semaines et nous avons reçu des
commentaires très positifs de la part de tout le monde. Les gens nous
disent qu’ils adorent le nouveau matériel et qu’il vient très bien en
complément du reste des titres.
À l’exception d’un DVD, cet album est la première sortie live
du groupe. Penses-tu que ce dernier soit au sommet de son art
aujourd’hui ?
Je ne pense pas. Je pense qu’il reste encore un vaste territoire
musical inexploré. Nous sommes toujours en train de changer, de
travailler à ce que nous allons faire ensuite, et de ce point de vue,
nous ne sommes jamais satisfaits. Nous travaillons en permanence sur
quelque chose de nouveau et essayons d’apporter du neuf.
Le titre « Time For Annihilation » sonne un peu comme une
déclaration. L’album sort en outre seulement un an après Metamorphosis.
Est-il important pour vous d’affirmer au public que le groupe est
vivant, se porte bien et est parti pour durer ?
Oui, ça en fait partie. En fait, le titre a été suggéré par un de nos
amis. Jacoby (chant) a demandé sur Twitter comment nous devrions titrer
l’album et quelqu’un a proposé cette solution. Cette phrase est tirée
de l’une de nos chansons, « Crash ». C’est aussi ce qu’on dit avant
chaque concert : on forme un cercle et quand on rompt le cercle, on dit :
« Time for annihilation ». Nous pensions que le titre était parfait
pour un album live en raison de cette tradition avant de monter sur
scène. Nous sommes là pour annihiler !
Dès janvier, le groupe a commencé à poster des mises à jour
régulières concernant le nouveau disque. Penses-tu qu’il soit important
de rester en contact avec les fans et de donner des nouvelles
régulièrement sur les activités du groupe ?
Oui, je pense que c’est important. Nous vivons à une époque où le
mystère n’est pas aussi important que le contact avec les fans.
Aujourd’hui, il y a tellement de médias et tellement de sources de
divertissement que les « réserves » potentielles de fans sont très
minces. Nous pensons qu’il est très important de conserver notre
relation avec nos fans et de les informer sur ce qui se passe. Si on ne
le fait pas, ils vont penser qu’on les a oubliés et ce n’est pas du tout
notre objectif.
« Ceux
qui n’apprécient que l’aspect rap-rock de Papa Roach seront sans doute
déçus. Mais en tant qu’artistes nous ne pouvons pas nous contenter de
faire tout le temps la même chose. [...] Le changement est la seule
constante dans ce monde. »
Quand on écoute les titres live du Time For Annihilation, on
peut entendre beaucoup de femmes dans le public. Quel est votre secret ?
(rires) Au fil des années, certains des titres sortis en singles ont
fait mouche auprès de ces dames pour une raison ou une autre. Je pense
que c’est une très bonne chose. Aucun des membres du groupe n’aime jeter
un œil vers la foule et n’y voir que des mecs. C’est bien pour la
mixité de la fosse et je pense que c’est une excellente chose pour les
hommes présents aux concerts. L’atmosphère est plus festive. Si la foule
n’est composée que d’hommes, l’agressivité monte très vite. C’est
excellent pour l’atmosphère générale.
L’ancien label de Papa Roach, Geffen Records, a sorti un
album best of cet été. Toutefois, le groupe a insisté sur le fait que
les fans ne devraient pas l’acheter en raison du fait que cet opus était
publié sans le consentement du groupe et que vous n’alliez pas gagner
d’argent grâce à cela. Comment est-ce possible ?
Nous ne sommes pas allés jusqu’à dire que nous n’allions pas gagner
d’argent avec cet album. Le problème était que nous avions enregistré un
nouvel album, que nous avions une date de sortie prévue et qu’Universal
a décidé de sortir un autre album de son côté sans que nous soyons
d’accord ni même au courant. Le label a tiré parti du travail que nous
réalisions à ce moment-là sans se fatiguer. Tout ce qu’il y avait à
faire, c’était rassembler quelques titres sur un CD et sortir le tout.
Le but était de faire quelques dollars supplémentaires sur le dos de
Papa Roach. Le problème, c’est que cela a créé par mal de confusion
parmi nos fans. On leur promettait un nouvel album, un nouveau best of
de Papa Roach. Ils ne savaient pas d’où venait cet album. Le best of
d’Universal ne contenait rien de nouveau, uniquement des chansons que la
plupart de nos fans possédaient déjà. Nous nous sommes sentis un peu
trahis mais nous n’avons pas été exactement stupéfaits. C’est quelque
chose que font tous les grands labels, si tu vois ce que je veux dire.
Il faut s’y attendre, mais nous n’avions pas pensé qu’ils le feraient.
Malheureusement, ils l’ont fait…
J’ai lu quelque part que le groupe ne possède plus les droits
de ses chansons, même si celles-ci peuvent toujours être jouées sur
scène. C’est vrai ?
Quand on est sous contrat avec un gros label, c’est le label qui
détient les droits des chansons. C’est comme ça. Même quand nous étions
au milieu de l’enregistrement, elles appartenaient au label. Tu peux
prendre n’importe quel artiste – même Lady Gaga – son label détient ses
chansons. Au cours des prochaines années, nous allons essayer de les
récupérer, de les racheter à la maison de disques.
N’est-ce pas un peu frustrant pour un artiste de savoir qu’on ne possède même pas les droits sur ses propres créations ?
Oui, mais il faut faire des compromis. Mais tout ça, c’est le côté
business de la chose, et je ne pense pas que les gens veuillent ou
doivent connaître le côté business.
Vous êtes à présent signés chez Eleven Seven Music, un petit
label. Vous sentez-vous plus à l’aise avec ce genre de petite structure ?
Je me sens effectivement plus à l’aise. Nous nous sentons beaucoup
mieux chez Eleven Seven. Ils sont plus petits mais ils mettent leurs
ressources à notre disposition à 100 %. Universal, de son côté, ne nous
accordait que 10 % de ses ressources. Eleven Seven est un label rock et
ils ont une véritable passion pour nos chansons et pour le groupe. Ils
veulent nous voir réussir. C’est génial.
Ce qui est très surprenant chez Papa Roach, c’est l’évolution
que le groupe a connue au fil des années : vous avez plus ou moins
débuté en tant que groupe de nu metal, puis le son s’est adouci et tombe
aujourd’hui davantage dans la catégorie hard rock moderne.
Metamorphosis compte même plusieurs titres orientés glam comme « Night
Of Love » ou « State Of Emergency ». C’est également le cas de Time For
Annihilation, avec le single « Kick In The Teeth ». Qu’est-ce qui vous
pousse à repenser l’orientation musicale du groupe si régulièrement ?
Ce n’est pas une chose à laquelle nous réfléchissons vraiment. Nous
avons toujours fonctionné comme ça, nous avons toujours changé. À
l’époque où nous n’étions pas encore signés, nous étions encore
différents. Avec Infest, le monde nous a découverts pour la première
fois mais ce n’était pas ce que nous avions toujours fait. C’était
seulement le son que nous avions adopté à ce point de notre carrière.
Nous avons toujours changé, même si certaines choses sont restées les
mêmes. Certains éléments de notre musique sont tels que les gens se
disent : « Ça sonne comme du Papa Roach » dès qu’ils
l’entendent. On aime garder le groove, et j’imagine que nous avons
certains tics lorsque nous écrivons des mélodies et des harmonies. Mais
comme je l’ai dit, en dix-sept ans de carrière, nous avons constamment
changé.
Peut-on dire que cette diversité de genres dans la carrière
de Papa Roach est le fruit des goûts musicaux variés des différents
membres du groupe ?
Je pense… Oui, je crois qu’on peut dire ça. On a pas mal de goûts
musicaux en commun, on a aime souvent les mêmes choses, mais il est vrai
que nos goûts propres à chacun définissent notre contribution au
groupe. Je pense que cette diversité contribue effectivement au
changement.
N’avez-vous pas peur troubler les fans en changeant de style
musical ? Ou voyez-vous ça comme une qualité qui permet de renouveler
leur intérêt ?
Nous voyons ça comme un point fort. Nous aurions l’impression de nous
moquer des fans si nous faisions la même chose album après album. Il y a
évidemment des gens qui veulent entendre une chose et une seule, mais
c’est un risque que nous devons prendre. Ceux qui n’apprécient que
l’aspect rap-rock de Papa Roach seront sans doute déçus. Mais en tant
qu’artistes, nous ne pouvons pas nous contenter de faire tout le temps
la même chose. Ça finit par devenir fade et vous devenez une sorte de
parodie de vous-mêmes. De notre point de vue, le changement est une
bonne chose. Le changement est la seule constante dans ce monde. Ce ne
serait pas faire une faveur faite à nos fans, ni à nous-mêmes, si nous
faisions toujours la même chose.
Certaines personnes pensent que changer l’orientation musicale d’un groupe permet de suivre la mode. Que réponds-tu à cela ?
Je ne pense pas que nous ayons jamais vraiment suivi la mode. Nous
avons commencé avec un genre à la mode, mais le disque qui a suivi
Infest ne l’était plus. À l’époque, la tendance, c’était le garage rock,
et après ça, l’emo. Nous n’avons jamais fait partie de ces deux scènes.
Il peut y avoir certaines influences au moment de l’enregistrement mais
elles ne suivent jamais la mode.
« Nous n’avons jamais été les chouchous des médias. »
Papa Roach a souvent été victime de commentaires négatifs
mais, treize ans après son premier album, le groupe est toujours là.
Penses-tu que la popularité d’un groupe puisse être mesurée par rapport
au nombre de ses détracteurs ?
Dans une certaine mesure, je pense. Nous n’avons jamais été les
chouchous des médias. Nous nous sommes contentés de faire notre truc
dans notre coin, en nous concentrant sur les fans. Nous avons simplement
essayé d’écrire les meilleures chansons possibles.
Peut-on voir les cinq titres de Time For Annihilation comme un indice quant à la teneur du prochain album ?
C’était un peu l’idée. Il est possible que nous ajoutions un peu plus
d’éléments électroniques. Nous allons nous concentrer sur l’aspect
groovy et essayer de mélanger un peu tout ça.
À la fin de Time For Annihilation, Jacoby fait passer un
message aux fans, les exhortant à lutter contre la faim et le problème
des sans-abri et à faire des dons à WhyHunger. Pourquoi le groupe a-t-il
choisi cette organisation ? Est-ce un combat qui concerne
particulièrement Jacoby ou des personnes proches du groupe ?
Chez nous, à Sacramento, il y a eu une période où beaucoup de gens
ont perdu leurs maisons. Jacoby s’est rendu dans un foyer pour sans-abri
pour donner un coup de main et servir des repas. Nous en avons parlé et
nous nous sommes dit : « Si on pouvait faire quelque chose au niveau national pendant une tournée, ce serait vraiment génial ».
Ce foyer de Sacramento s’appelle Loaves And Fishes ; il est affilié à
World Hunger Year. World Hunger Year n’est pas une association
caritative en elle-même, c’est une organisation liée à de nombreux
foyers locaux. Ils sont très bons pour lever des fonds et encourager les
dons aux associations caritatives locales. Nous-mêmes, nous avons vendu
aux enchères des pass VIP grâce auxquels les gens pouvaient rencontrer
le groupe, assister aux balances, visiter le tour bus et
découvrir la vie sur la route. Ils ont également eu la possibilité
d’assister au concert depuis la scène. C’était une belle expérience :
nous avons obtenu beaucoup d’argent, aidé pas mal de monde, et on se
sent fiers. Nous remercions tous les fans qui ont participé car avec
seulement 33 cents, on peut assurer un repas dans un foyer. Nos fans ont
aidé beaucoup de gens et nous apprécions l’effort. Comme tu l’as dit,
Jacoby fait passer un message à la fin du disque : les gens n’ont qu’à
envoyer un SMS au 90999 pour faire un don de cinq dollars. Ça permettra
de préparer quatorze repas dans un foyer.
Papa Roach a joué au Crüe Fest en 2008 en compagnie de
Buckcherry et Sixx:A.M. De plus Metamorphosis a été coproduit par James
Michael qui a travaillé sur le dernier album de Mötley Crüe et officie
également en tant que chanteur principal de Sixx:A.M. Cette tournée
a-t-elle joué un rôle dans l’orientation plus glam de certains titres de
Metamorphosis ?
Non. Très franchement, je ne sais pas d’où vient ce côté glam. Nous
avons terminé cet album avant de participer au Crüe Fest. James Michael
nous apporté son aide sur quelques paroles et quelques lignes de chant,
mais c’est tout. La musique était déjà écrite. Jacoby avait des
problèmes pour résoudre deux ou trois trucs. Il avait besoin d’un peu
d’aide.
Les gars de Mötley Crüe sont-ils aussi cinglés que le veut leur réputation ?
Je crois qu’ils se sont un peu calmés. Mais Tommy Lee est toujours
aussi dingue ! Il ne s’arrête jamais, il écoute la musique à fond dans
sa loge… Mais c’est un type bien, très sympa. Nous étions ravis de
tourner avec eux.
As-tu des histoires ou des anecdotes à partager concernant votre expérience avec Mötley Crüe ?
Une des histoires intéressantes, c’est que nous avons demandé à Mick
Mars de jouer un solo sur un des titres de Metamorphosis, « Into The
Light ». Je lui ai joué la chanson et il était très enthousiaste. Je lui
ai dit que c’était un honneur de l’avoir sur le titre, et il a dit : « Ça, je ne sais pas, mais je pense que ça va être cool ! »
J’ai grandi en écoutant Mötley Crüe et c’était un peu intimidant pour
moi de me retrouver en tournée avec eux. Mais ce sont des gars très
cool. Nous avons vraiment passé de bons moments sur cette tournée.
J’ai entendu dire que les gars de Mötley Crüe étaient assez
exigeants et demandaient par exemple à avoir soixante-dix serviettes.
C’est vrai ?
Je ne sais pas. J’imagine qu’ils sont un peu exigeants… Mais ils font
ça depuis longtemps, tu sais. Je ne pense pas qu’ils réclament quoi que
ce soit qui sorte de l’ordinaire. Ça dépend du point de vue, je pense.
par sa qualité de groupe dit « commercial ». Le mot est lâché.
« Commercial », qualificatif décrédibilisant, pour beaucoup antonyme
d’intégrité, qui plus est injure suprême dans les sphères de
l’underground. Comme si produire une musique aux mélodies évidentes, aux
rythmes entraînants et plaisant à une majorité était intrinsèquement
signe de mauvais goût.
Mais Papa Roach, lui s’en fout. Le groupe continue son petit bonhomme
de chemin en faisant bien ce qu’il a envie. En un peu plus de dix ans,
la bande de cafards est passée d’un neo metal qui ne manquait pas de
tubes à un Hard US à tendances glam grâce à un Metamorphosis plein de
qualités. Le combo pense même déjà à son futur comme nous l’apprend le
guitariste et fondateur du groupe Jerry Horton (aucun lien de parenté
avec l’éléphant qui croit qu’une poussière lui parle) : « Il est
possible que nous ajoutions un peu plus d’éléments électroniques. Nous
allons nous concentrer sur l’aspect groovy et essayer de mélanger un peu
tout ça ». Le pire dans tout ça, c’est que malgré cette
perpétuelle métamorphose, le groupe ne cesse de gagner du terrain dans
l’appréciation du public. Comme ceux qui n’étaient pas forcément
convaincu par leur neo metal mais qui ont été charmés par leur récent
virage artistique, tout autant que par leurs prestations scéniques
remarquables.
Il était d’ailleurs temps qu’une de ces dernières soit immortalisée
sur disque. C’est chose faite, en partie, avec le dernier rejeton Time
For Annihilation, hybride studio/live.
Jerry Horton nous en dit justement un peu plus sur ce sujet comme sur bien d’autres.
« Nous vivons à une époque où le mystère n’est pas aussi important que le contact avec les fans. »
Radio Metal : Papa Roach vient de sortir Time For
Annihilation, un album composé pour moitié de nouveaux titres, le reste
correspondant à des chansons live. Cependant, j’ai entendu dire que vous
aviez à l’origine prévu un album live complet. Pourquoi le disque
est-il finalement sorti dans cette configuration ?
Jerry Horton (guitare) : Nous voulions sortir un
album live depuis un petit moment, mais nous savions aussi que le public
attendait de nouvelles chansons. Au début, nous avions décidé de
n’écrire qu’une ou deux nouvelles chansons, puis nous avons pensé : « Autant en faire cinq et sortir un EP ».
C’est de là que tout est parti : nous ne voulions pas seulement sortir
un album live, nous voulions aussi offrir au public de la nouveauté.
Vous n’aviez pas suffisamment de chansons pour sortir un nouvel album studio ?
Nous ne voulions pas prendre le temps nécessaire pour écrire un album
complet. Nous voulions faire ça rapidement mais nous voulions aussi
proposer cinq chansons aussi bonnes que possible.
Était-il vraiment nécessaire de sortir un nouveau produit à
l’heure actuelle ? Pourquoi ne pas avoir attendu un peu pour pouvoir
sortir un album studio complet ?
Notre contrat avec Interscope et Universal s’est terminé et nous
pensions que le moment était idéal pour sortir un album live. À la base,
c’était ce que nous étions censés faire. L’idée des nouvelles chansons
est venue après : nous nous sommes dit que nous ferions aussi bien de
proposer quelque chose de nouveau. Nous ne voulions investir ni l’argent
ni le temps nécessaire à la conception d’un album complet.
Le groupe a une excellente réputation sur scène. Penses-tu
que seul un demi-album live rende justice à vos performances ? Surtout
dans la mesure où il s’agit d’un premier album live…
Je pense effectivement que cet album leur rend justice. Nous voulions
donner à nos fans la possibilité de vivre cette expérience, ou au moins
une partie, sur CD. En ce qui concerne le nouveau matériel, au cours de
notre carrière, nous n’avons jamais joué l’intégralité d’un album sur
scène. Nous nous contentions de sélectionner quelques chansons et de les
mélanger à d’autres. C’est la première fois que nous pourrons
interpréter toutes les nouvelles chansons au cours d’un set. Nous
faisons ça depuis maintenant trois semaines et nous avons reçu des
commentaires très positifs de la part de tout le monde. Les gens nous
disent qu’ils adorent le nouveau matériel et qu’il vient très bien en
complément du reste des titres.
À l’exception d’un DVD, cet album est la première sortie live
du groupe. Penses-tu que ce dernier soit au sommet de son art
aujourd’hui ?
Je ne pense pas. Je pense qu’il reste encore un vaste territoire
musical inexploré. Nous sommes toujours en train de changer, de
travailler à ce que nous allons faire ensuite, et de ce point de vue,
nous ne sommes jamais satisfaits. Nous travaillons en permanence sur
quelque chose de nouveau et essayons d’apporter du neuf.
Le titre « Time For Annihilation » sonne un peu comme une
déclaration. L’album sort en outre seulement un an après Metamorphosis.
Est-il important pour vous d’affirmer au public que le groupe est
vivant, se porte bien et est parti pour durer ?
Oui, ça en fait partie. En fait, le titre a été suggéré par un de nos
amis. Jacoby (chant) a demandé sur Twitter comment nous devrions titrer
l’album et quelqu’un a proposé cette solution. Cette phrase est tirée
de l’une de nos chansons, « Crash ». C’est aussi ce qu’on dit avant
chaque concert : on forme un cercle et quand on rompt le cercle, on dit :
« Time for annihilation ». Nous pensions que le titre était parfait
pour un album live en raison de cette tradition avant de monter sur
scène. Nous sommes là pour annihiler !
Dès janvier, le groupe a commencé à poster des mises à jour
régulières concernant le nouveau disque. Penses-tu qu’il soit important
de rester en contact avec les fans et de donner des nouvelles
régulièrement sur les activités du groupe ?
Oui, je pense que c’est important. Nous vivons à une époque où le
mystère n’est pas aussi important que le contact avec les fans.
Aujourd’hui, il y a tellement de médias et tellement de sources de
divertissement que les « réserves » potentielles de fans sont très
minces. Nous pensons qu’il est très important de conserver notre
relation avec nos fans et de les informer sur ce qui se passe. Si on ne
le fait pas, ils vont penser qu’on les a oubliés et ce n’est pas du tout
notre objectif.
« Ceux
qui n’apprécient que l’aspect rap-rock de Papa Roach seront sans doute
déçus. Mais en tant qu’artistes nous ne pouvons pas nous contenter de
faire tout le temps la même chose. [...] Le changement est la seule
constante dans ce monde. »
Quand on écoute les titres live du Time For Annihilation, on
peut entendre beaucoup de femmes dans le public. Quel est votre secret ?
(rires) Au fil des années, certains des titres sortis en singles ont
fait mouche auprès de ces dames pour une raison ou une autre. Je pense
que c’est une très bonne chose. Aucun des membres du groupe n’aime jeter
un œil vers la foule et n’y voir que des mecs. C’est bien pour la
mixité de la fosse et je pense que c’est une excellente chose pour les
hommes présents aux concerts. L’atmosphère est plus festive. Si la foule
n’est composée que d’hommes, l’agressivité monte très vite. C’est
excellent pour l’atmosphère générale.
L’ancien label de Papa Roach, Geffen Records, a sorti un
album best of cet été. Toutefois, le groupe a insisté sur le fait que
les fans ne devraient pas l’acheter en raison du fait que cet opus était
publié sans le consentement du groupe et que vous n’alliez pas gagner
d’argent grâce à cela. Comment est-ce possible ?
Nous ne sommes pas allés jusqu’à dire que nous n’allions pas gagner
d’argent avec cet album. Le problème était que nous avions enregistré un
nouvel album, que nous avions une date de sortie prévue et qu’Universal
a décidé de sortir un autre album de son côté sans que nous soyons
d’accord ni même au courant. Le label a tiré parti du travail que nous
réalisions à ce moment-là sans se fatiguer. Tout ce qu’il y avait à
faire, c’était rassembler quelques titres sur un CD et sortir le tout.
Le but était de faire quelques dollars supplémentaires sur le dos de
Papa Roach. Le problème, c’est que cela a créé par mal de confusion
parmi nos fans. On leur promettait un nouvel album, un nouveau best of
de Papa Roach. Ils ne savaient pas d’où venait cet album. Le best of
d’Universal ne contenait rien de nouveau, uniquement des chansons que la
plupart de nos fans possédaient déjà. Nous nous sommes sentis un peu
trahis mais nous n’avons pas été exactement stupéfaits. C’est quelque
chose que font tous les grands labels, si tu vois ce que je veux dire.
Il faut s’y attendre, mais nous n’avions pas pensé qu’ils le feraient.
Malheureusement, ils l’ont fait…
J’ai lu quelque part que le groupe ne possède plus les droits
de ses chansons, même si celles-ci peuvent toujours être jouées sur
scène. C’est vrai ?
Quand on est sous contrat avec un gros label, c’est le label qui
détient les droits des chansons. C’est comme ça. Même quand nous étions
au milieu de l’enregistrement, elles appartenaient au label. Tu peux
prendre n’importe quel artiste – même Lady Gaga – son label détient ses
chansons. Au cours des prochaines années, nous allons essayer de les
récupérer, de les racheter à la maison de disques.
N’est-ce pas un peu frustrant pour un artiste de savoir qu’on ne possède même pas les droits sur ses propres créations ?
Oui, mais il faut faire des compromis. Mais tout ça, c’est le côté
business de la chose, et je ne pense pas que les gens veuillent ou
doivent connaître le côté business.
Vous êtes à présent signés chez Eleven Seven Music, un petit
label. Vous sentez-vous plus à l’aise avec ce genre de petite structure ?
Je me sens effectivement plus à l’aise. Nous nous sentons beaucoup
mieux chez Eleven Seven. Ils sont plus petits mais ils mettent leurs
ressources à notre disposition à 100 %. Universal, de son côté, ne nous
accordait que 10 % de ses ressources. Eleven Seven est un label rock et
ils ont une véritable passion pour nos chansons et pour le groupe. Ils
veulent nous voir réussir. C’est génial.
Ce qui est très surprenant chez Papa Roach, c’est l’évolution
que le groupe a connue au fil des années : vous avez plus ou moins
débuté en tant que groupe de nu metal, puis le son s’est adouci et tombe
aujourd’hui davantage dans la catégorie hard rock moderne.
Metamorphosis compte même plusieurs titres orientés glam comme « Night
Of Love » ou « State Of Emergency ». C’est également le cas de Time For
Annihilation, avec le single « Kick In The Teeth ». Qu’est-ce qui vous
pousse à repenser l’orientation musicale du groupe si régulièrement ?
Ce n’est pas une chose à laquelle nous réfléchissons vraiment. Nous
avons toujours fonctionné comme ça, nous avons toujours changé. À
l’époque où nous n’étions pas encore signés, nous étions encore
différents. Avec Infest, le monde nous a découverts pour la première
fois mais ce n’était pas ce que nous avions toujours fait. C’était
seulement le son que nous avions adopté à ce point de notre carrière.
Nous avons toujours changé, même si certaines choses sont restées les
mêmes. Certains éléments de notre musique sont tels que les gens se
disent : « Ça sonne comme du Papa Roach » dès qu’ils
l’entendent. On aime garder le groove, et j’imagine que nous avons
certains tics lorsque nous écrivons des mélodies et des harmonies. Mais
comme je l’ai dit, en dix-sept ans de carrière, nous avons constamment
changé.
Peut-on dire que cette diversité de genres dans la carrière
de Papa Roach est le fruit des goûts musicaux variés des différents
membres du groupe ?
Je pense… Oui, je crois qu’on peut dire ça. On a pas mal de goûts
musicaux en commun, on a aime souvent les mêmes choses, mais il est vrai
que nos goûts propres à chacun définissent notre contribution au
groupe. Je pense que cette diversité contribue effectivement au
changement.
N’avez-vous pas peur troubler les fans en changeant de style
musical ? Ou voyez-vous ça comme une qualité qui permet de renouveler
leur intérêt ?
Nous voyons ça comme un point fort. Nous aurions l’impression de nous
moquer des fans si nous faisions la même chose album après album. Il y a
évidemment des gens qui veulent entendre une chose et une seule, mais
c’est un risque que nous devons prendre. Ceux qui n’apprécient que
l’aspect rap-rock de Papa Roach seront sans doute déçus. Mais en tant
qu’artistes, nous ne pouvons pas nous contenter de faire tout le temps
la même chose. Ça finit par devenir fade et vous devenez une sorte de
parodie de vous-mêmes. De notre point de vue, le changement est une
bonne chose. Le changement est la seule constante dans ce monde. Ce ne
serait pas faire une faveur faite à nos fans, ni à nous-mêmes, si nous
faisions toujours la même chose.
Certaines personnes pensent que changer l’orientation musicale d’un groupe permet de suivre la mode. Que réponds-tu à cela ?
Je ne pense pas que nous ayons jamais vraiment suivi la mode. Nous
avons commencé avec un genre à la mode, mais le disque qui a suivi
Infest ne l’était plus. À l’époque, la tendance, c’était le garage rock,
et après ça, l’emo. Nous n’avons jamais fait partie de ces deux scènes.
Il peut y avoir certaines influences au moment de l’enregistrement mais
elles ne suivent jamais la mode.
« Nous n’avons jamais été les chouchous des médias. »
Papa Roach a souvent été victime de commentaires négatifs
mais, treize ans après son premier album, le groupe est toujours là.
Penses-tu que la popularité d’un groupe puisse être mesurée par rapport
au nombre de ses détracteurs ?
Dans une certaine mesure, je pense. Nous n’avons jamais été les
chouchous des médias. Nous nous sommes contentés de faire notre truc
dans notre coin, en nous concentrant sur les fans. Nous avons simplement
essayé d’écrire les meilleures chansons possibles.
Peut-on voir les cinq titres de Time For Annihilation comme un indice quant à la teneur du prochain album ?
C’était un peu l’idée. Il est possible que nous ajoutions un peu plus
d’éléments électroniques. Nous allons nous concentrer sur l’aspect
groovy et essayer de mélanger un peu tout ça.
À la fin de Time For Annihilation, Jacoby fait passer un
message aux fans, les exhortant à lutter contre la faim et le problème
des sans-abri et à faire des dons à WhyHunger. Pourquoi le groupe a-t-il
choisi cette organisation ? Est-ce un combat qui concerne
particulièrement Jacoby ou des personnes proches du groupe ?
Chez nous, à Sacramento, il y a eu une période où beaucoup de gens
ont perdu leurs maisons. Jacoby s’est rendu dans un foyer pour sans-abri
pour donner un coup de main et servir des repas. Nous en avons parlé et
nous nous sommes dit : « Si on pouvait faire quelque chose au niveau national pendant une tournée, ce serait vraiment génial ».
Ce foyer de Sacramento s’appelle Loaves And Fishes ; il est affilié à
World Hunger Year. World Hunger Year n’est pas une association
caritative en elle-même, c’est une organisation liée à de nombreux
foyers locaux. Ils sont très bons pour lever des fonds et encourager les
dons aux associations caritatives locales. Nous-mêmes, nous avons vendu
aux enchères des pass VIP grâce auxquels les gens pouvaient rencontrer
le groupe, assister aux balances, visiter le tour bus et
découvrir la vie sur la route. Ils ont également eu la possibilité
d’assister au concert depuis la scène. C’était une belle expérience :
nous avons obtenu beaucoup d’argent, aidé pas mal de monde, et on se
sent fiers. Nous remercions tous les fans qui ont participé car avec
seulement 33 cents, on peut assurer un repas dans un foyer. Nos fans ont
aidé beaucoup de gens et nous apprécions l’effort. Comme tu l’as dit,
Jacoby fait passer un message à la fin du disque : les gens n’ont qu’à
envoyer un SMS au 90999 pour faire un don de cinq dollars. Ça permettra
de préparer quatorze repas dans un foyer.
Papa Roach a joué au Crüe Fest en 2008 en compagnie de
Buckcherry et Sixx:A.M. De plus Metamorphosis a été coproduit par James
Michael qui a travaillé sur le dernier album de Mötley Crüe et officie
également en tant que chanteur principal de Sixx:A.M. Cette tournée
a-t-elle joué un rôle dans l’orientation plus glam de certains titres de
Metamorphosis ?
Non. Très franchement, je ne sais pas d’où vient ce côté glam. Nous
avons terminé cet album avant de participer au Crüe Fest. James Michael
nous apporté son aide sur quelques paroles et quelques lignes de chant,
mais c’est tout. La musique était déjà écrite. Jacoby avait des
problèmes pour résoudre deux ou trois trucs. Il avait besoin d’un peu
d’aide.
Les gars de Mötley Crüe sont-ils aussi cinglés que le veut leur réputation ?
Je crois qu’ils se sont un peu calmés. Mais Tommy Lee est toujours
aussi dingue ! Il ne s’arrête jamais, il écoute la musique à fond dans
sa loge… Mais c’est un type bien, très sympa. Nous étions ravis de
tourner avec eux.
As-tu des histoires ou des anecdotes à partager concernant votre expérience avec Mötley Crüe ?
Une des histoires intéressantes, c’est que nous avons demandé à Mick
Mars de jouer un solo sur un des titres de Metamorphosis, « Into The
Light ». Je lui ai joué la chanson et il était très enthousiaste. Je lui
ai dit que c’était un honneur de l’avoir sur le titre, et il a dit : « Ça, je ne sais pas, mais je pense que ça va être cool ! »
J’ai grandi en écoutant Mötley Crüe et c’était un peu intimidant pour
moi de me retrouver en tournée avec eux. Mais ce sont des gars très
cool. Nous avons vraiment passé de bons moments sur cette tournée.
J’ai entendu dire que les gars de Mötley Crüe étaient assez
exigeants et demandaient par exemple à avoir soixante-dix serviettes.
C’est vrai ?
Je ne sais pas. J’imagine qu’ils sont un peu exigeants… Mais ils font
ça depuis longtemps, tu sais. Je ne pense pas qu’ils réclament quoi que
ce soit qui sorte de l’ordinaire. Ça dépend du point de vue, je pense.