Artistes : Motörhead – Vulcain
Date : 14 décembre 2010
Lieu : Lyon
Salle : Halle Tony Garnier
Comment introduire un live report pour un concert de
Motörhead ? Comment aborder la nouvelle étape d’une histoire de
trente-cinq ans de concerts ? Des millions de personnes ont déjà vu ce
groupe culte, véritable institution de la scène metal, et il existe donc
autant d’histoires de concerts de Motörhead. Comment faire pour
apporter une pierre neuve à cet édifice de l’histoire de la bande à
Lemmy en live ? On va quand même tenter le coup.
Se préparer à assister à un concert de Motörhead réclame au
moins de s’organiser dès le matin-même. D’abord en mangeant bien parce
qu’on ne sait jamais à quoi ressemblera votre repas une fois aux abords
de la salle (kebab, kebab ou kebab, en fait). Mais Gilles « Heavy Metal
Cook » Lartigot ne nous contredira pas sur ce point : mieux vaut prévoir
son propre casse-dalle ; c’est la base d’une bonne expérience live. Ne
pas trop se torcher non plus avant de partir, on n’est jamais à l’abri
d’un bon pote qui vous paierait quelques pintes de bière une fois sur
place ; il ne faudrait pas que ce soient les quelques pintes de trop si
on veut garder quelques souvenirs d’un concert d’une aussi grande
importance. Et un peu de repos aussi, ça ne fait pas de mal. Une petite
sieste dans le bus qui vous emmène jusqu’aux lieux du forfait, ça peut
être bénéfique pour être au maximum de sa forme avant de se jeter dans
la fosse.
J’ai l’air de raconter ma vie mais tous ces détails auront finalement
une importance dans la suite de cette histoire. Et tout d’abord, la
bière. C’est alors que je me rends compte que la bière est le meilleur
sirop contre la toux que j’ai pu ingurgiter dernièrement (l’abus
d’alcool, etc., vous connaissez le topo), que ma gorge est soulagée par
la magie du houblon, que les lumières déclinent et voilà Vulcain !
Et voilà Vulcain !
Ces derniers mois, je me suis déjà fait une cure de dinosaures (c’est
dit affectueusement) : Ozzy Osbourne, Alice Cooper et, ce soir, Lemmy
avec Motörhead ! Un périple motivé – entre autres – par la crainte de
ne plus les revoir plus tard. Ces sexagénaires ont tous en commun
d’avoir quand même déjà bien bouffé leurs points de vie (non, ne nous
voilons pas la face) et la moindre occasion de les voir avant qu’ils
avalent leur bulletin de naissance est à prendre. Mais ces artistes
avaient jusque-là tendance à s’accompagner de premières parties
foireuses : Korn ne pouvait plus se targuer de l’énergie d’il y a dix ou
quinze ans devant le public d’Ozzy ; et les glameux de BlackRain nous
offraient un glam metal bardée de grosses ficelles et un chant qui
déchire dans le sens douloureux du terme. Mais Vulcain est venu rompre
cette série.
Les Français sont considérés comme les Motörhead français. Un surnom
gagné grâce à une formation relativement identique (Motörhead, dans sa
forme classique, est aussi un power trio, je ne vous apprends rien,
j’espère) et grâce à des compositions tout aussi comparables à celles de
leurs homologues anglais, c’est-à-dire un rock’n'roll couillu, qui ne
fait pas de prisonniers et pas dans le détail mais qui sait être
efficace et filer la pêche.
Vulcain
Autant vous avouer immédiatement que ma science vulcanienne était
jusqu’à ce concert particulièrement limitée. Tout Animal que je sois, je
reste un homme qui vit sur un monde qui tourne sur lui-même en
vingt-quatre heures et met environ trois cent soixante-cinq jours pour
faire le tour du Soleil et pendant le tiers de ce temps, je dois
assouvir mes besoins vitaux et intellectuels. Cela nécessite de gérer
son temps et de faire parfois des choix et donc de laisser certaines
choses de côté. Pour cela, on met en place quelques critères de
sélection, parfois très arbitraires, l’un d’eux, dans mon cas, étant :
« le metal en langue française est inaudible ».
Quand je vous disais que c’était très arbitraire. Eh bien, je
l’avoue, je le confesse, je m’en repens : j’avais foutrement tort et je
vais fissa briser ces Tables de la Loi ! Dès les premières mesures,
Vulcain pulvérise en moi toute inhibition et assouplit ma nuque. Il
n’est pas possible que je reste plus longtemps aussi loin de la scène.
La foule n’est pas encore trop dense et je peux apprécier de plus près
les mines réjouies de trois lascars. Ils terminent ce soir leur tournée
qui est passée par le Canada et retrouver les gones qu’ils n’avaient vus
depuis vingt ans leur fait prendre conscience qu’ils ne remettront pas
aussi longtemps à revenir. Le public s’éclate, on est entre potes, des
titres comme « L’enfer », « Rock’n'Roll Secours » et « Ebony »
remportent tous les suffrages et il n’est pas nécessaire de beaucoup
haranguer le peuple de la fosse pour qu’il crie et lève les bras. Une
demi-heure passe… Un petit dernier pour la route ? Ce sera « La Digue Du
Cul » bien sûr ! Ça, c’est une fête ! Revenez quand vous voulez
Vulcain, on sera là.
La digue !
Vous vous souvenez de cette histoire du pote qui pourrait bien vous
abreuver, nous imposant de rester sobre avant de nous rendre au concert ?
Eh bien, il était temps pour moi de m’évader de la fosse pour rejoindre
une nouvelle pinte de bière. On n’est quand même pas à un concert de
Philippe Delerm, quoi ! On installe la scène pour Motörhead, un roadie
se permet quelques mesures d’AC/DC pour tester la guitare. La salle
réagit immédiatement. Ça n’a duré que quelques secondes mais ça a eu le
mérite d’être efficace. Une mention particulière au staff de Motörhead
justement puisque, comme l’a souligné à un moment Marc Varez (batteur de
Vulcain), ils ont permis aux Français de faire leurs balances dans des
conditions optimales, avantage dont ne profitent pas toujours les
groupes de premières parties avec une telle tête d’affiche. Il n’empêche
que les Vulcain auront eu un son bien moins puissant que Motörhead.
Mais c’est peut-être normal, tout le monde ne peut pas être « loudest than everything else ».
Et quand on parle puissance, voici Motörhead !
Et quand on parle puissance, voici Motörhead et la clameur émerge de
toutes les gorges. Impossible de demeurer en arrière, retour dans la
fosse et début d’un concert en plusieurs étapes. Première étape : on
démarre comme on l’a toujours fait. Au programme une setlist identique
aux dates précédentes à un poil de… moustache près dans le cas de
certaines dates. Ils sont Motörhead et si nous ne le savions pas (bin,
voyons), ils jouent du rock’n'roll ! On a exactement ce qu’on est venu
chercher : « We Are Motörhead », « Stay Clean », un petit coup du
nouveau album avec « Get Back In Line » (plus tard nous aurons aussi
droit au très efficace « I Know How To Die » avec lequel Lemmy essaiera
de nous faire peur, bouh !), « Metropolis » passe comme une lettre à la
poste. Une interrogation pointe dans l’arrière-cour de ma machine à
cogiter mais l’étape deux arrive entre-temps.
Être face à la légende
Étape deux : Motörhead, ça se vit physiquement, c’est une sensation plus
que de la musique : toute la salle tremble, les vêtements deviennent
les marionnettes d’ondes sonores comme on en connaît peu et il est
maintenant temps de se jeter à corps perdu dans la fosse, dans le
maelström des corps qui se bousculent, se heurtent et échangent leur
sueur. Une pensée : le pogo a dû être inventé pour les concerts de
Motörhead. Pendant trois morceaux, la fosse n’est qu’un bain de furies
et Lemmy est sur la scène, droit, tel un dieu du chaos imperturbable,
recevant en offrande l’adrénaline bouillonnant sous ses yeux. Puis le
calme, un solo proprement aérien de Phil Campbell prouvant que la beauté
à sa place dans ce monde de brutes. Mais voilà l’étape trois.
Le seul et unique : Lemmy !
Étape trois : le froid. L’interrogation d’arrière-cour arrive sur le
devant de la scène pendant que Phil trône dans la lumière. Mais
pourquoi ne suis-je pas aussi heureux que prévu ? Réponse : Tony Garnier
m’a tué mon concert de Motörhead. Ça me trottait déjà dans les oreilles
depuis le début et ce solo de Phil m’a prouvé qu’il y avait un souci.
Ce devrait être magnifique mais en réalité, le son est infect. La
guitare est noyée dans un bruit persistant. Déjà, on se demandait où
était la voix de Lemmy. Ce n’était tout de même pas cette voix de robot
parfois à peine compréhensible dans le bourdonnement ambiant ?
On tente de se débarrasser de cette impression en ôtant ses
protections auditives. Eh oui, on ne va pas voir l’un des groupes qui
jouent le plus fort sans cela. Mais non, il y a vraiment un problème. Ce
groupe qui joue si fort joue trop fort pour la Halle Tony Garnier ! Il
est déjà de notoriété publique que la salle n’offre pas le meilleur des
sons mais à ce point-là, il n’y a plus que Philippe Delerm qui peut y
jouer ! On ne va pas dire que Motörhead joue une musique subtile mais
là, les subtilités passent littéralement à la trappe. Autrement dit, les
soli de Phil sont noyés dans le bruit.
Étape trois, alinéa deux : encore le froid. Après la suée du pogo,
voilà qu’on prend littéralement froid. Les remous de la fosse ne sont
plus que quelque chose qu’on voit du coin de l’œil ou au loin. Les
morceaux qui suivent le grand solo de Phil ne relancent pas le bain
bouillonnant. Erreur dans la setlist ? Ou le reste du public s’est-il
lui aussi aperçu qu’il ne vit pas le meilleur des concerts de Motörhead ?
Pas dans les meilleures conditions, en tout cas. Et il devient
difficile de le remuer ce public. Quand le groupe harangue la foule, il
met plus de temps qu’on aurait pu imaginer pour obtenir de nouveau bruit
et fureur.
Phil Campbell, vingt-six ans dans la bande.Pour faire mieux, il faut s’appeler Lemmy.
Alors qu’est-ce qu’on fait ? Mince, que se passe-t-il dans mon corps ?
Je baille ! J’avais pourtant fait ma petite sieste dans le bus en venant
! Je jette un coup d’œil à droite et à gauche pour m’assurer qu’on ne
m’a pas vu bailler à un concert de Motörhead. Mince, ce type-là aussi a
baillé ! Et cet autre type, il me regarde aussi mais il n’a pas l’air de
s’éclater. Par Saint Elvis et tous les dieux du rock’n'roll, Motörhead
est en train de bercer une partie du public ! Il faut que je m’évade de
cette fosse ! On va faire un tour aux toilettes et on va voir si ça va
mieux ensuite. Quoi ? Je vais m’éloigner de la salle, à un concert de
Motörhead ? Mais ça ne peut pas vraiment être en train d’arriver. Et à
mesure que je m’éloigne, je ne vois pas de visage extatique. Peut-être
suis-je dans le vrai, je ne vis pas le meilleur des concerts que
Motörhead puisse donner. Vite, échappons-nous vers l’étape quatre.
Étape quatre : prenons un peu de recul. Direction les tribunes. Avant
mon évasion, j’avais quand même vécu un superbe moment où j’étais
encore content d’être là : « In The Name Of Tragedy ». Au poil ! De quoi
remettre le feu à la salle ! Et intercalé dans le morceau tiré de
l’album Inferno, le solo de batterie de Mikkey Dee. Avec cet éclairage
vert, la puissance prend une couleur surnaturelle. Par la maîtrise de
son batteur, Motörhead démontre aussi que ce n’est pas que de la
puissance brute. Mais ce fut un peu trop long. En me repliant dans les
tribunes, je rejoignais donc un concert au rythme haché et à la
puissance sonore desservie par une enceinte qui n’est pas à même
d’accueillir une telle légende.
Vous ne voyez pas Mikkey ? Forcément, vu d’ici, il faudrait qu’il se lève pour qu’on le voie
Jusqu’à l’inévitable « Ace Of Spades » (que Lemmy lui-même aimerait bien
ne plus être obligé de jouer bien qu’il fera toujours en sorte de
donner à ses fans ce qu’ils veulent), je ne prends même plus la peine
d’essayer de démêler la pelote d’ondes sonores pour reconnaître les
morceaux interprétés. Viennent les rappels au cours desquels
« Overkill » sera très généreusement relancé en boucle pas moins de
trois fois. Il ne fallait finalement que ces deux morceaux, « Ace Of
Spades » et « Overkill » pour vraiment remettre le feu aux poudres mais
ce n’est qu’à la fin qu’ils auront joué la carte des classiques qui
rapportent tous les suffrages et démontent tout.
On prend le temps d’apprécier les feedbacks produits par la basse de
Lemmy posée contre les puissants Marshall offrant ainsi une sorte
d’ultime morceau très drone, puis les lumières se rallument. On
file récupérer son casse-dalle laissé au vestiaire avec son manteau et
on se dit qu’on retentera certainement de revoir Motörhead en concert
mais à la Halle Tony Garnier, jamais !
Setlist de Motörhead :
We Are Motörhead
Stay Clean
Get Back In Line
Metropolis
Over the Top
One Night Stand
Rock Out
Solo de guitare
The Thousand Names Of God
I Got Mine
I Know How To Die
The Chase Is Better Than the Catch
In the Name of Tragedy (avec Solo de batterie)
Just ‘Cos You Got the Power
Going To Brazil
Killed By Death
Ace Of Spades
Rappels :
Born To Raise Hell
Overkill
Photos : Fox
Date : 14 décembre 2010
Lieu : Lyon
Salle : Halle Tony Garnier
Comment introduire un live report pour un concert de
Motörhead ? Comment aborder la nouvelle étape d’une histoire de
trente-cinq ans de concerts ? Des millions de personnes ont déjà vu ce
groupe culte, véritable institution de la scène metal, et il existe donc
autant d’histoires de concerts de Motörhead. Comment faire pour
apporter une pierre neuve à cet édifice de l’histoire de la bande à
Lemmy en live ? On va quand même tenter le coup.
Se préparer à assister à un concert de Motörhead réclame au
moins de s’organiser dès le matin-même. D’abord en mangeant bien parce
qu’on ne sait jamais à quoi ressemblera votre repas une fois aux abords
de la salle (kebab, kebab ou kebab, en fait). Mais Gilles « Heavy Metal
Cook » Lartigot ne nous contredira pas sur ce point : mieux vaut prévoir
son propre casse-dalle ; c’est la base d’une bonne expérience live. Ne
pas trop se torcher non plus avant de partir, on n’est jamais à l’abri
d’un bon pote qui vous paierait quelques pintes de bière une fois sur
place ; il ne faudrait pas que ce soient les quelques pintes de trop si
on veut garder quelques souvenirs d’un concert d’une aussi grande
importance. Et un peu de repos aussi, ça ne fait pas de mal. Une petite
sieste dans le bus qui vous emmène jusqu’aux lieux du forfait, ça peut
être bénéfique pour être au maximum de sa forme avant de se jeter dans
la fosse.
J’ai l’air de raconter ma vie mais tous ces détails auront finalement
une importance dans la suite de cette histoire. Et tout d’abord, la
bière. C’est alors que je me rends compte que la bière est le meilleur
sirop contre la toux que j’ai pu ingurgiter dernièrement (l’abus
d’alcool, etc., vous connaissez le topo), que ma gorge est soulagée par
la magie du houblon, que les lumières déclinent et voilà Vulcain !
Et voilà Vulcain !
Ces derniers mois, je me suis déjà fait une cure de dinosaures (c’est
dit affectueusement) : Ozzy Osbourne, Alice Cooper et, ce soir, Lemmy
avec Motörhead ! Un périple motivé – entre autres – par la crainte de
ne plus les revoir plus tard. Ces sexagénaires ont tous en commun
d’avoir quand même déjà bien bouffé leurs points de vie (non, ne nous
voilons pas la face) et la moindre occasion de les voir avant qu’ils
avalent leur bulletin de naissance est à prendre. Mais ces artistes
avaient jusque-là tendance à s’accompagner de premières parties
foireuses : Korn ne pouvait plus se targuer de l’énergie d’il y a dix ou
quinze ans devant le public d’Ozzy ; et les glameux de BlackRain nous
offraient un glam metal bardée de grosses ficelles et un chant qui
déchire dans le sens douloureux du terme. Mais Vulcain est venu rompre
cette série.
Les Français sont considérés comme les Motörhead français. Un surnom
gagné grâce à une formation relativement identique (Motörhead, dans sa
forme classique, est aussi un power trio, je ne vous apprends rien,
j’espère) et grâce à des compositions tout aussi comparables à celles de
leurs homologues anglais, c’est-à-dire un rock’n'roll couillu, qui ne
fait pas de prisonniers et pas dans le détail mais qui sait être
efficace et filer la pêche.
Vulcain
Autant vous avouer immédiatement que ma science vulcanienne était
jusqu’à ce concert particulièrement limitée. Tout Animal que je sois, je
reste un homme qui vit sur un monde qui tourne sur lui-même en
vingt-quatre heures et met environ trois cent soixante-cinq jours pour
faire le tour du Soleil et pendant le tiers de ce temps, je dois
assouvir mes besoins vitaux et intellectuels. Cela nécessite de gérer
son temps et de faire parfois des choix et donc de laisser certaines
choses de côté. Pour cela, on met en place quelques critères de
sélection, parfois très arbitraires, l’un d’eux, dans mon cas, étant :
« le metal en langue française est inaudible ».
Quand je vous disais que c’était très arbitraire. Eh bien, je
l’avoue, je le confesse, je m’en repens : j’avais foutrement tort et je
vais fissa briser ces Tables de la Loi ! Dès les premières mesures,
Vulcain pulvérise en moi toute inhibition et assouplit ma nuque. Il
n’est pas possible que je reste plus longtemps aussi loin de la scène.
La foule n’est pas encore trop dense et je peux apprécier de plus près
les mines réjouies de trois lascars. Ils terminent ce soir leur tournée
qui est passée par le Canada et retrouver les gones qu’ils n’avaient vus
depuis vingt ans leur fait prendre conscience qu’ils ne remettront pas
aussi longtemps à revenir. Le public s’éclate, on est entre potes, des
titres comme « L’enfer », « Rock’n'Roll Secours » et « Ebony »
remportent tous les suffrages et il n’est pas nécessaire de beaucoup
haranguer le peuple de la fosse pour qu’il crie et lève les bras. Une
demi-heure passe… Un petit dernier pour la route ? Ce sera « La Digue Du
Cul » bien sûr ! Ça, c’est une fête ! Revenez quand vous voulez
Vulcain, on sera là.
La digue !
Vous vous souvenez de cette histoire du pote qui pourrait bien vous
abreuver, nous imposant de rester sobre avant de nous rendre au concert ?
Eh bien, il était temps pour moi de m’évader de la fosse pour rejoindre
une nouvelle pinte de bière. On n’est quand même pas à un concert de
Philippe Delerm, quoi ! On installe la scène pour Motörhead, un roadie
se permet quelques mesures d’AC/DC pour tester la guitare. La salle
réagit immédiatement. Ça n’a duré que quelques secondes mais ça a eu le
mérite d’être efficace. Une mention particulière au staff de Motörhead
justement puisque, comme l’a souligné à un moment Marc Varez (batteur de
Vulcain), ils ont permis aux Français de faire leurs balances dans des
conditions optimales, avantage dont ne profitent pas toujours les
groupes de premières parties avec une telle tête d’affiche. Il n’empêche
que les Vulcain auront eu un son bien moins puissant que Motörhead.
Mais c’est peut-être normal, tout le monde ne peut pas être « loudest than everything else ».
Et quand on parle puissance, voici Motörhead !
Et quand on parle puissance, voici Motörhead et la clameur émerge de
toutes les gorges. Impossible de demeurer en arrière, retour dans la
fosse et début d’un concert en plusieurs étapes. Première étape : on
démarre comme on l’a toujours fait. Au programme une setlist identique
aux dates précédentes à un poil de… moustache près dans le cas de
certaines dates. Ils sont Motörhead et si nous ne le savions pas (bin,
voyons), ils jouent du rock’n'roll ! On a exactement ce qu’on est venu
chercher : « We Are Motörhead », « Stay Clean », un petit coup du
nouveau album avec « Get Back In Line » (plus tard nous aurons aussi
droit au très efficace « I Know How To Die » avec lequel Lemmy essaiera
de nous faire peur, bouh !), « Metropolis » passe comme une lettre à la
poste. Une interrogation pointe dans l’arrière-cour de ma machine à
cogiter mais l’étape deux arrive entre-temps.
Être face à la légende
Étape deux : Motörhead, ça se vit physiquement, c’est une sensation plus
que de la musique : toute la salle tremble, les vêtements deviennent
les marionnettes d’ondes sonores comme on en connaît peu et il est
maintenant temps de se jeter à corps perdu dans la fosse, dans le
maelström des corps qui se bousculent, se heurtent et échangent leur
sueur. Une pensée : le pogo a dû être inventé pour les concerts de
Motörhead. Pendant trois morceaux, la fosse n’est qu’un bain de furies
et Lemmy est sur la scène, droit, tel un dieu du chaos imperturbable,
recevant en offrande l’adrénaline bouillonnant sous ses yeux. Puis le
calme, un solo proprement aérien de Phil Campbell prouvant que la beauté
à sa place dans ce monde de brutes. Mais voilà l’étape trois.
Le seul et unique : Lemmy !
Étape trois : le froid. L’interrogation d’arrière-cour arrive sur le
devant de la scène pendant que Phil trône dans la lumière. Mais
pourquoi ne suis-je pas aussi heureux que prévu ? Réponse : Tony Garnier
m’a tué mon concert de Motörhead. Ça me trottait déjà dans les oreilles
depuis le début et ce solo de Phil m’a prouvé qu’il y avait un souci.
Ce devrait être magnifique mais en réalité, le son est infect. La
guitare est noyée dans un bruit persistant. Déjà, on se demandait où
était la voix de Lemmy. Ce n’était tout de même pas cette voix de robot
parfois à peine compréhensible dans le bourdonnement ambiant ?
On tente de se débarrasser de cette impression en ôtant ses
protections auditives. Eh oui, on ne va pas voir l’un des groupes qui
jouent le plus fort sans cela. Mais non, il y a vraiment un problème. Ce
groupe qui joue si fort joue trop fort pour la Halle Tony Garnier ! Il
est déjà de notoriété publique que la salle n’offre pas le meilleur des
sons mais à ce point-là, il n’y a plus que Philippe Delerm qui peut y
jouer ! On ne va pas dire que Motörhead joue une musique subtile mais
là, les subtilités passent littéralement à la trappe. Autrement dit, les
soli de Phil sont noyés dans le bruit.
Étape trois, alinéa deux : encore le froid. Après la suée du pogo,
voilà qu’on prend littéralement froid. Les remous de la fosse ne sont
plus que quelque chose qu’on voit du coin de l’œil ou au loin. Les
morceaux qui suivent le grand solo de Phil ne relancent pas le bain
bouillonnant. Erreur dans la setlist ? Ou le reste du public s’est-il
lui aussi aperçu qu’il ne vit pas le meilleur des concerts de Motörhead ?
Pas dans les meilleures conditions, en tout cas. Et il devient
difficile de le remuer ce public. Quand le groupe harangue la foule, il
met plus de temps qu’on aurait pu imaginer pour obtenir de nouveau bruit
et fureur.
Phil Campbell, vingt-six ans dans la bande.Pour faire mieux, il faut s’appeler Lemmy.
Alors qu’est-ce qu’on fait ? Mince, que se passe-t-il dans mon corps ?
Je baille ! J’avais pourtant fait ma petite sieste dans le bus en venant
! Je jette un coup d’œil à droite et à gauche pour m’assurer qu’on ne
m’a pas vu bailler à un concert de Motörhead. Mince, ce type-là aussi a
baillé ! Et cet autre type, il me regarde aussi mais il n’a pas l’air de
s’éclater. Par Saint Elvis et tous les dieux du rock’n'roll, Motörhead
est en train de bercer une partie du public ! Il faut que je m’évade de
cette fosse ! On va faire un tour aux toilettes et on va voir si ça va
mieux ensuite. Quoi ? Je vais m’éloigner de la salle, à un concert de
Motörhead ? Mais ça ne peut pas vraiment être en train d’arriver. Et à
mesure que je m’éloigne, je ne vois pas de visage extatique. Peut-être
suis-je dans le vrai, je ne vis pas le meilleur des concerts que
Motörhead puisse donner. Vite, échappons-nous vers l’étape quatre.
Étape quatre : prenons un peu de recul. Direction les tribunes. Avant
mon évasion, j’avais quand même vécu un superbe moment où j’étais
encore content d’être là : « In The Name Of Tragedy ». Au poil ! De quoi
remettre le feu à la salle ! Et intercalé dans le morceau tiré de
l’album Inferno, le solo de batterie de Mikkey Dee. Avec cet éclairage
vert, la puissance prend une couleur surnaturelle. Par la maîtrise de
son batteur, Motörhead démontre aussi que ce n’est pas que de la
puissance brute. Mais ce fut un peu trop long. En me repliant dans les
tribunes, je rejoignais donc un concert au rythme haché et à la
puissance sonore desservie par une enceinte qui n’est pas à même
d’accueillir une telle légende.
Vous ne voyez pas Mikkey ? Forcément, vu d’ici, il faudrait qu’il se lève pour qu’on le voie
Jusqu’à l’inévitable « Ace Of Spades » (que Lemmy lui-même aimerait bien
ne plus être obligé de jouer bien qu’il fera toujours en sorte de
donner à ses fans ce qu’ils veulent), je ne prends même plus la peine
d’essayer de démêler la pelote d’ondes sonores pour reconnaître les
morceaux interprétés. Viennent les rappels au cours desquels
« Overkill » sera très généreusement relancé en boucle pas moins de
trois fois. Il ne fallait finalement que ces deux morceaux, « Ace Of
Spades » et « Overkill » pour vraiment remettre le feu aux poudres mais
ce n’est qu’à la fin qu’ils auront joué la carte des classiques qui
rapportent tous les suffrages et démontent tout.
On prend le temps d’apprécier les feedbacks produits par la basse de
Lemmy posée contre les puissants Marshall offrant ainsi une sorte
d’ultime morceau très drone, puis les lumières se rallument. On
file récupérer son casse-dalle laissé au vestiaire avec son manteau et
on se dit qu’on retentera certainement de revoir Motörhead en concert
mais à la Halle Tony Garnier, jamais !
Setlist de Motörhead :
We Are Motörhead
Stay Clean
Get Back In Line
Metropolis
Over the Top
One Night Stand
Rock Out
Solo de guitare
The Thousand Names Of God
I Got Mine
I Know How To Die
The Chase Is Better Than the Catch
In the Name of Tragedy (avec Solo de batterie)
Just ‘Cos You Got the Power
Going To Brazil
Killed By Death
Ace Of Spades
Rappels :
Born To Raise Hell
Overkill
Photos : Fox