Artiste : Paul Gilbert
Date : 14 décembre 2010
Lieu : Lyon
Salle : Marché Gare
Affluence : Salle quasi pleine
Photos : Spaceman
L’idée de ce titre est venue aux environs de la mi-concert. Je me
penchai vers Spaceman et lui faisait partager cette réflexion spontanée
qui devait absolument être partagée sur le moment.
Il y a des soirées que l’on a envie de garder pour soi. Des soirées
tellement mémorables qu’elles inspirent en nous un mépris à l’encontre
de ceux qui n’y ont pas participé. Ils ne pourraient pas comprendre. Ou
alors, ils n’avaient qu’à être là. Un concert de Paul Gilbert est un de
ces moments qui génèrent en nous ce prétentieux égoïsme.
Qui sait, peut-être ce sentiment résulte-t-il d’une fierté underground d’avoir fait le choix d’assister à ce concert de Paul Gilbert (Mr Big, Racer X…) plutôt qu’à celui de Motörhead qui se déroulait le même soir.
A la frustration de ne pas participer à la grande teuf branchée dans le
salon succède la satisfaction d’être à une contre-soirée excellente
dans la cuisine. Alors du coup, on les emmerde ! Signalons d’ailleurs,
malgré la présence du groupe de Lemmy à quelques kilomètres de là, une
surprenante affluence. Le Marché Gare déborde ! Et peut-être est-ce
justement parce qu’il a fallu choisir entre ces deux concerts. Rater un
concert, ce n’est pas grave. En rater deux d’un coup, c’est
insupportable.
« Allez, je suis un fou, je retire mon casque! »
Mais aussi et surtout, parce-qu’il serait tellement long de tout
raconter. Le lendemain, on vous demandera : « alors comment c’était ? ».
Relater les frasques de Paul Gilbert prendrait le temps du concert
lui-même. Alors on hausse les épaules et on répond : « Pfffff ». Encore
une fois, ils n’avaient qu’à être là.
Il s’agit, de bout en bout, d’un grand sketch avec un enchaînement de
situations comiques ou absurdes (comme la reprise du début de Crazy
Train, « parce qu’on ne connait pas la suite »), de mimiques et
de blagues. Comment un sale gosse pareil, qui ne tient pas en place,
a-t-il pu faire preuve de la patience nécessaire pour devenir aussi bon à
la guitare ? Paul Gilbert est probablement studieux à l’extrême dans
son travail de l’instrument et, par conséquent, profite de la scène pour
compenser et se lâcher. Sinon, je ne comprends pas.
Toujours muni de son éternel casque qui protège son oreille déjà
endommagée par un acouphène, Paul chante ses soli tandis qu’il les joue,
plaisante sur le niveau de difficulté des morceaux (« bon celui-là, il va être vraiment chaud »), joue avec sa voix… Il se démarque aussi complètement de l’air pénétré et des grimaces sérieuses des guitar heros
traditionnels : ses grimaces sont, au contraire, décalées et loufoques.
Au sortir d’un solo, certains sourient, regardent fièrement le public
en bombant le torse ou feignent l’indifférence pour suggérer qu’ils y
arrivent sans effort. En espérant que personne ne remarque les litres de
sueur qui se déversent. Lui arbore le regard et le sourire malicieux du
gamin fier de sa bêtise. Parfois, il imite avec dérision cet air si
sérieux de ses semblables, comme pour rentrer quelques secondes dans le
rang. On l’imagine bien se dire : « bon, j’imagine que c’est ce qu’il faut faire quand on est un guitar hero ». Mais il n’y croit pas vraiment et cela ne dure jamais bien longtemps.
Paul Gilbert : la force est avec lui !
Paul Gilbert est un personnage à part qui semble n’avoir absolument
rien à foutre du succès. Celui qui, avec Mr Big, remplit un Budokan
(Japon) ne fait pas de crise d’égo lorsqu’il doit jouer devant une
centaine de personnes dans une petite salle lyonnaise. Il ne prévoit
aucune mise en scène théâtrale, aucune musique d’intro pompeuse pour le
début du show ; il se contente de venir et de faire coucou avant de
commencer. A propos d’entrée en scène, son arrivée dans la salle (à
trente minutes du concert ! L’homme s’était perdu en ballade dans Lyon),
par la porte d’entrée au beau milieu de spectateurs ébahis comme si de
rien n’était, résume bien le personnage.
Son dernier album Fuzz Universe, qui le voit persister pour la
troisième fois dans une orientation instrumentale plus clinique, ainsi
que les premiers instants du concert nous inspiraient la crainte que
Paul Gilbert avait changé et mis l’accroche au second plan.
Heureusement, il n’en sera rien. Le concert comblera les amateurs de
technique instrumentale (notamment avec le classique de Racer X
« Technical Difficulties ») comme ceux de rock et de blues.
Étonnant d’ailleurs que Paul ai préféré chanter sur des reprises
plutôt que sur son propre répertoire solo, pourtant de qualité. Et de la
reprise, il y en avait, bien plus que lors de la dernière tournée : le
« Roundabout » de Yes, assurément un moment fort grâce à la qualité de
l’interprétation, le « Light My Fire » des Doors, le « Little Wing » de
Jimi Hendrix ou encore « I Want To Be Loved » de Muddy Waters. On sent
que Paul a voulu à la fois se faire plaisir et éduquer les plus jeunes
dans l’audience. Alors, c’est sûr, le punky « I Like Rock », un
classique de son répertoire, aura manqué à l’appel. Mais peut-être que
ce titre on ne peut plus basique aurait un peu trop dénoté. Tout comme
l’interprétation en solo de l’hymne « Down To Mexico » aura surpris,
sans forcément déplaire. Toujours est-il que jamais Paul n’en fera trop
dans tel ou tel registre et réussira, au cours de deux heures passées à
la vitesse de l’éclair, à fédérer les incultes néophytes et les
emmerdeurs musicologues.
Le regard qui tue.
On remarque par ailleurs que le line-up a été entièrement reconstitué
pour proposer un son plus brut et direct. Même Emi, la femme de Paul
Gilbert, qui assurait les chœurs et le clavier manque à l’appel. Preuve
supplémentaire que Paul aime varier les plaisirs et c’est tant mieux
pour ses fans!
Inutile de préciser la mise en place globale du groupe. Ça joue bien,
ça chante bien : côté chœurs, les musiciens, notamment le second
guitariste Tony Spinner, n’ont rien à envier à Mr Big, comme nous le
montrera la reprise du tube « Green Tinted Sixties Mind » (mais quel
refrain !). Mais il est urgent d’insister en revanche, comme on le
ferait pour un Mr Big, sur la philosophie de jeu de Paul Gilbert.
Philosophie qui repose plus sur le « faire sonner » que sur le « arriver
à jouer ce plan ». Entre les doigts du guitariste, de simples croches
sonnent du tonnerre. Et question technique, Paul se contient et joue
probablement en-dessous de ce qu’il est capable de faire. Mais c’est
suffisamment impressionnant pour que l’on devine son niveau, surtout
quand c’est joué avec autant de décontraction. Quoi qu’il fasse, qu’il
déconne, qu’il chante, qu’il grimace, son jeu reste précis et plein de
feeling.
Une philosophie de jeu qui devrait faire office d’exemple.
Date : 14 décembre 2010
Lieu : Lyon
Salle : Marché Gare
Affluence : Salle quasi pleine
Photos : Spaceman
L’idée de ce titre est venue aux environs de la mi-concert. Je me
penchai vers Spaceman et lui faisait partager cette réflexion spontanée
qui devait absolument être partagée sur le moment.
Il y a des soirées que l’on a envie de garder pour soi. Des soirées
tellement mémorables qu’elles inspirent en nous un mépris à l’encontre
de ceux qui n’y ont pas participé. Ils ne pourraient pas comprendre. Ou
alors, ils n’avaient qu’à être là. Un concert de Paul Gilbert est un de
ces moments qui génèrent en nous ce prétentieux égoïsme.
Qui sait, peut-être ce sentiment résulte-t-il d’une fierté underground d’avoir fait le choix d’assister à ce concert de Paul Gilbert (Mr Big, Racer X…) plutôt qu’à celui de Motörhead qui se déroulait le même soir.
A la frustration de ne pas participer à la grande teuf branchée dans le
salon succède la satisfaction d’être à une contre-soirée excellente
dans la cuisine. Alors du coup, on les emmerde ! Signalons d’ailleurs,
malgré la présence du groupe de Lemmy à quelques kilomètres de là, une
surprenante affluence. Le Marché Gare déborde ! Et peut-être est-ce
justement parce qu’il a fallu choisir entre ces deux concerts. Rater un
concert, ce n’est pas grave. En rater deux d’un coup, c’est
insupportable.
« Allez, je suis un fou, je retire mon casque! »
Mais aussi et surtout, parce-qu’il serait tellement long de tout
raconter. Le lendemain, on vous demandera : « alors comment c’était ? ».
Relater les frasques de Paul Gilbert prendrait le temps du concert
lui-même. Alors on hausse les épaules et on répond : « Pfffff ». Encore
une fois, ils n’avaient qu’à être là.
Il s’agit, de bout en bout, d’un grand sketch avec un enchaînement de
situations comiques ou absurdes (comme la reprise du début de Crazy
Train, « parce qu’on ne connait pas la suite »), de mimiques et
de blagues. Comment un sale gosse pareil, qui ne tient pas en place,
a-t-il pu faire preuve de la patience nécessaire pour devenir aussi bon à
la guitare ? Paul Gilbert est probablement studieux à l’extrême dans
son travail de l’instrument et, par conséquent, profite de la scène pour
compenser et se lâcher. Sinon, je ne comprends pas.
Toujours muni de son éternel casque qui protège son oreille déjà
endommagée par un acouphène, Paul chante ses soli tandis qu’il les joue,
plaisante sur le niveau de difficulté des morceaux (« bon celui-là, il va être vraiment chaud »), joue avec sa voix… Il se démarque aussi complètement de l’air pénétré et des grimaces sérieuses des guitar heros
traditionnels : ses grimaces sont, au contraire, décalées et loufoques.
Au sortir d’un solo, certains sourient, regardent fièrement le public
en bombant le torse ou feignent l’indifférence pour suggérer qu’ils y
arrivent sans effort. En espérant que personne ne remarque les litres de
sueur qui se déversent. Lui arbore le regard et le sourire malicieux du
gamin fier de sa bêtise. Parfois, il imite avec dérision cet air si
sérieux de ses semblables, comme pour rentrer quelques secondes dans le
rang. On l’imagine bien se dire : « bon, j’imagine que c’est ce qu’il faut faire quand on est un guitar hero ». Mais il n’y croit pas vraiment et cela ne dure jamais bien longtemps.
Paul Gilbert : la force est avec lui !
Paul Gilbert est un personnage à part qui semble n’avoir absolument
rien à foutre du succès. Celui qui, avec Mr Big, remplit un Budokan
(Japon) ne fait pas de crise d’égo lorsqu’il doit jouer devant une
centaine de personnes dans une petite salle lyonnaise. Il ne prévoit
aucune mise en scène théâtrale, aucune musique d’intro pompeuse pour le
début du show ; il se contente de venir et de faire coucou avant de
commencer. A propos d’entrée en scène, son arrivée dans la salle (à
trente minutes du concert ! L’homme s’était perdu en ballade dans Lyon),
par la porte d’entrée au beau milieu de spectateurs ébahis comme si de
rien n’était, résume bien le personnage.
Son dernier album Fuzz Universe, qui le voit persister pour la
troisième fois dans une orientation instrumentale plus clinique, ainsi
que les premiers instants du concert nous inspiraient la crainte que
Paul Gilbert avait changé et mis l’accroche au second plan.
Heureusement, il n’en sera rien. Le concert comblera les amateurs de
technique instrumentale (notamment avec le classique de Racer X
« Technical Difficulties ») comme ceux de rock et de blues.
Étonnant d’ailleurs que Paul ai préféré chanter sur des reprises
plutôt que sur son propre répertoire solo, pourtant de qualité. Et de la
reprise, il y en avait, bien plus que lors de la dernière tournée : le
« Roundabout » de Yes, assurément un moment fort grâce à la qualité de
l’interprétation, le « Light My Fire » des Doors, le « Little Wing » de
Jimi Hendrix ou encore « I Want To Be Loved » de Muddy Waters. On sent
que Paul a voulu à la fois se faire plaisir et éduquer les plus jeunes
dans l’audience. Alors, c’est sûr, le punky « I Like Rock », un
classique de son répertoire, aura manqué à l’appel. Mais peut-être que
ce titre on ne peut plus basique aurait un peu trop dénoté. Tout comme
l’interprétation en solo de l’hymne « Down To Mexico » aura surpris,
sans forcément déplaire. Toujours est-il que jamais Paul n’en fera trop
dans tel ou tel registre et réussira, au cours de deux heures passées à
la vitesse de l’éclair, à fédérer les incultes néophytes et les
emmerdeurs musicologues.
Le regard qui tue.
On remarque par ailleurs que le line-up a été entièrement reconstitué
pour proposer un son plus brut et direct. Même Emi, la femme de Paul
Gilbert, qui assurait les chœurs et le clavier manque à l’appel. Preuve
supplémentaire que Paul aime varier les plaisirs et c’est tant mieux
pour ses fans!
Inutile de préciser la mise en place globale du groupe. Ça joue bien,
ça chante bien : côté chœurs, les musiciens, notamment le second
guitariste Tony Spinner, n’ont rien à envier à Mr Big, comme nous le
montrera la reprise du tube « Green Tinted Sixties Mind » (mais quel
refrain !). Mais il est urgent d’insister en revanche, comme on le
ferait pour un Mr Big, sur la philosophie de jeu de Paul Gilbert.
Philosophie qui repose plus sur le « faire sonner » que sur le « arriver
à jouer ce plan ». Entre les doigts du guitariste, de simples croches
sonnent du tonnerre. Et question technique, Paul se contient et joue
probablement en-dessous de ce qu’il est capable de faire. Mais c’est
suffisamment impressionnant pour que l’on devine son niveau, surtout
quand c’est joué avec autant de décontraction. Quoi qu’il fasse, qu’il
déconne, qu’il chante, qu’il grimace, son jeu reste précis et plein de
feeling.
Une philosophie de jeu qui devrait faire office d’exemple.